- EUROPE - Géologie
- EUROPE - GéologieL’usage fait de l’Europe un continent ; en réalité, celle-ci constitue une partie de l’Eurasie, avec laquelle elle est en continuité de l’Ancien Monde – puisque l’Afrique n’est pas complètement séparée de l’Eurasie –, et nombre de ses affinités sont avec le Nouveau Monde, par-delà l’Atlantique. Son histoire géologique complexe rend compte de ces ambiguïtés.Malgré ses faibles dimensions – avec une superficie de 10 171 000 kilomètres carrés, elle représente à peine 7 p. 100 des terres émergées –, l’Europe donne un bon résumé de l’histoire de la Terre. Pour n’être pas les plus vieux du globe, ses terrains les plus anciens, qu’on trouve dans la presqu’île de Kola et en Ukraine, n’en ont pas moins de trois milliards trois cents millions d’années (3 300 Ma). L’Europe s’est donc édifiée pendant une très longue période qui a vu se succéder de nombreuses orogenèses qui fournissent un exemple représentatif de la construction progressive d’un continent. C’est en fonction de ces orogenèses superposées que nous diviserons l’Europe.1. Données structuralesOn peut scinder l’Europe en quatre ensembles définis par les orogenèses correspondantes: l’Europe précambrienne , considérée globalement, car ses divisions chronologiques ne forment pas de régions naturelles individualisées; l’Europe calédonienne , ou Europe du Nord-Ouest; l’Europe hercynienne (ou varisque), ou Europe du Sud-Ouest; l’Europe alpine , ou Europe méditerranéenne. L’Europe centrale se développe au carrefour de ces différentes orogenèses.L’Europe précambrienneLe Précambrien d’Europe comprend des terrains qui se sont formés depuis 3 300 Ma jusqu’à 550 Ma, date de l’orogenèse assyntienne (de loch Assynt, en Écosse) dite encore cadomienne (de Caen, en France) ou baïkalienne (du lac Baïkal, en Russie), qui marque la fin des temps précambriens. Pendant ce très long laps de temps se sont succédé de nombreuses orogenèses qui aboutirent à la formation de vastes chaînes de montagnes qui furent toutes arasées; nous ne les distinguerons pas ici, étant donné la relative homogénéité des paysages précambriens, quel que soit leur âge.Les affleurements précambriens forment en Europe trois ensembles: les boucliers où affleure le Précambrien, restés indéformés au cours des temps phanérozoïques; les noyaux précambriens qui ont été repris dans les orogenèses ultérieures; la plate-forme de l’Europe orientale , qui correspond, sur un substratum de Précambrien resté stable, à une couverture phanérozoïque horizontale ou du moins peu déformée.Il existe quatre boucliers en Europe: le bouclier balte (ou Fennoscandia), formant l’essentiel de la Suède, de la Finlande et des confins de ce pays avec la Russie, et qui s’enfonce au sud-est sous la plate-forme de l’Europe orientale; le bouclier de Barents , qui affleure dans l’est du Spitzberg; le bouclier ukrainien , qui affleure au sud-ouest de la plate-forme de l’Europe orientale, dont il représente le substratum; le bouclier des Hébrides (ou Eria), représenté dans les îles Britanniques les plus septentrionales, et qui est plutôt un noyau précambrien repris dans la chaîne calédonienne. Les boucliers sont formés de terrains relativement anciens: vieux de plus d’un milliard d’années, ils constituent une plate-forme arasée sur laquelle se sont disposés les dépôts riphéens qui forment la base de la couverture horizontale de la plate-forme russe ou les dépôts torridoniens d’Écosse. Ce n’est que dans les noyaux précambriens que se rencontrent les terrains moins anciens, de 1 000 à 550 Ma, affectés par l’orogenèse assyntienne.Les noyaux précambriens sont repris dans les chaînes plus récentes: chaîne calédonienne, chaîne hercynienne (notamment dans l’axe de la cordillère de l’Europe moyenne – massif Armoricain, Massif central, Vosges, Forêt-Noire, Bohême – et dans l’axe de la Meseta ibérique), chaîne alpine (notamment dans l’axe de l’ensemble Dinarides-Balkan: massif serbo-macédonien, massif du Rhodope). Si les terrains qu’on y rencontre sont souvent d’âge précambrien récent, comme le Briovérien (de Briovera, nom celte de Saint-Lô) du massif Armoricain, il s’y trouve cependant des terrains anciens, comme ceux du Pentévrien de Bretagne septentrionale et des îles Anglo-Normandes, où des âges de 2 800 Ma ont été rencontrés.La plate-forme de l’Europe orientale est recouverte de terrains restés horizontaux depuis le Riphéen (1 000 Ma): leur déformation est à l’échelle du millier de kilomètres, soit anticlinale (antéclises de Biélorussie, de Voronej, de la Volga), soit synclinale (synéclises balte, de Moscou), soit en forme de synclinal-fossé (aulacogènes du Donetz, de Patchelma). Sur son bord méridional, la plate-forme russe est frangée d’une dépression marginale accentuée dans son angle sud-ouest (dépression germano-polonaise) et dans son angle sud-est (dépression précaspienne); dans l’une comme dans l’autre, les dépôts salifères permiens abondent et ont donné naissance à de nombreux dômes de sel. La limite de la plate-forme de l’Europe orientale vers le sud a fait l’objet de conjectures: on a défini une «limite minimale», connue sous le nom de ligne de Tornquist , séparant les affleurements mésozoïques de Scanie, en Suède méridionale, du bouclier balte, et de là se prolongeant vers le sud-est, et une «limite maximale» allant jusqu’à l’Angleterre centrale (Midlands Craton ).L’Europe calédonienneL’Europe calédonienne – qui tire son nom de Caledonia, nom latin de l’Écosse – s’est formée au cours du cycle calédonien, qui se développe de 550 à 400 Ma, au travers de différentes périodes orogéniques, dont la dernière, dite souvent ardennaise, marque la fin du cycle.Elle forme une partie de la Scandinavie (Norvège, confins de la Suède, Spitzberg) et la plus grande partie des îles Britanniques (à l’exception des régions les plus méridionales). Elle est née d’un océan calédonien (Iapetus) qui séparait le bouclier balte du bouclier canadien-groenlandais (Laurentides), et dont la croûte forme les nappes ophiolitiques calédoniennes.La chaîne calédonienne est une chaîne de collision typique, à double déversement, d’une part vers le bouclier scandinave (Spitzberg, Scandinavie, îles Britanniques), d’autre part vers le bouclier canadien-groenlandais (côte sud-est du Groenland); ces boucliers furent soudés à cette occasion en un continent nord-atlantique. Le prolongement naturel de cet édifice se trouve au Canada (Terre-Neuve, Provinces Maritimes, sud du Québec) et au nord-est des États-Unis (chaîne des Alleghany).Les nappes de charriage sont remarquables en Scandinavie comme dans les îles Britanniques; elles furent parmi les premiers complexes de nappes décrits dans le monde, en Écosse par Archibald Geikie, en Scandinavie par Alfred Elis Törnebohm.L’extension de l’orogenèse calédonienne dans le reste de l’Europe demeure un problème: celle-ci y a, en effet, été reprise par les orogenèses hercynienne et alpine. Cependant, le problème se trouve posé pour différentes raisons:– des raisons stratigraphiques, le Dévonien étant, ici ou là, discordant sur des formations cambro-siluriennes, plissées, voire métamorphisées (comme dans le massif du Brabant et dans les Ardennes), ou que l’on croyait précambriennes récentes (briovériennes) et dont beaucoup s’avèrent appartenir au Paléozoïque inférieur (comme dans le massif Armoricain, notamment en Vendée);– des raisons chronologiques, un certain nombre de granites que l’on croyait hercyniens ayant donné des âges radiométriques calédoniens (comme dans le Massif central, les Vosges et la Forêt-Noire);– des raisons tectoniques, la déformation calédonienne de l’Ardenne – qui se place au sud de la plate-forme russe et de ses prolongements, comme dans la zone Rügen-Poméranie, où elle a été mise en évidence par des sondages – présentant des structures à vergence nord, ce qui implique que l’essentiel de la chaîne est au sud de l’Ardenne calédonienne, qui n’en représente ainsi que la marge.L’Europe hercynienneTirant son nom du massif du Harz, en Allemagne, l’Europe hercynienne résulte du cycle hercynien (ou varisque) développé de 400 à 240 Ma et marqué par différentes périodes orogéniques dont celle qui est dite palatine – du Palatinat, en Allemagne – est la dernière. À la suite de cette orogenèse, l’ensemble des continents furent soudés en une masse unique, la Pangée , ce qui, pour l’Europe, signifie la soudure avec l’Amérique du Nord (déjà réalisée à l’issue du cycle calédonien), avec l’Afrique et avec l’Asie (par l’Oural).L’Europe hercynienne forme la plupart des massifs anciens de l’Europe centrale et de l’Europe occidentale: ceux-ci sont isolés les uns des autres par des bassins sédimentaires mésozoïques et cénozoïques ou par des fossés cénozoïques liés à l’orogenèse alpine. Par conséquent, à la différence de l’Europe calédonienne, dont l’organisation est apparente, celle de l’Europe hercynienne doit être reconstituée par la pensée.En première approximation, l’Europe hercynienne est formée de deux chaînes à double déversement: la cordillère de l’Europe moyenne et la cordillère ibérique (ou hespérique).La cordillère de l’Europe moyenne va du sud des îles Britanniques à la France, à l’Allemagne et au territoire de l’ex-Tchécoslovaquie; elle se place en marge du continent nord-atlantique, né de la soudure de la Laurentia et de la Fenno-Sarmatia par la chaîne calédonienne et recouvert de la formation des Vieux Grès rouges, qui forme son avant-pays, dont elle est séparée par une avant-fosse molassique, dite subvarisque , où se sont accumulées les formations houillères d’âge carbonifère moyen (bassins houillers du pays de Galles, franco-belge, de la Ruhr).La cordillère de l’Europe moyenne possède un axe précambrien – et peut-être calédonien –, métamorphisé et granitisé au cours du cycle hercynien, qui va de la Bretagne méridionale à la Bohême par la Vendée, le Massif central, les Vosges et la Forêt-Noire; il est connu sous le nom d’axe moldanubien ou encore arverno-vosgien . Vers le nord, la cordillère présente des structures déversées ou charriées vers le nord (chevauchement du Condroz dans les Ardennes, nappes du Harz, des Sudètes); au sud, elle présente des structures charriées vers le sud (nappes de la Montagne Noire, nappes cévenoles du Massif central; nappes moraves au sud-est de la Bohême). La «faille du Midi», dans le bassin houiller franco-belge, prolongement du chevauchement du Condroz, servit à Marcel Bertrand – avec des exemples provençaux et alpins – à définir la notion de charriage.Les Pyrénées reprennent une partie du domaine hercynien méridional de la cordillère de l’Europe moyenne, jusqu’au bassin houiller des Asturies, qui représente l’avant-fosse commune à cette cordillère et à celle qui constitue la Meseta ibérique.La cordillère ibérique , ou, plus correctement, hespérique , a un axe métamorphisé et granitisé, la zone de Galice et de Castille , qui prend en écharpe la Meseta ibérique du nord-ouest au sud-est; les structures sont déversées vers le nord-est au nord et vers le sud-ouest au sud. Dans son ensemble, la cordillère hespérique a une structure comparable à celle de la cordillère de l’Europe moyenne. En effet, en tenant compte, d’une part, du fait que les structures hercyniennes décrivent, dans le nord-ouest de l’Espagne, une courbure cantabrique enveloppant l’avant-fosse commune des Asturies, d’autre part, que, par l’ouverture atlantique du golfe de Gascogne, au Jurassique supérieur, la péninsule Ibérique a connu une translation vers l’est accompagnée d’une rotation vers le sud (ce qui a ouvert le golfe de Gascogne), il n’est pas exclu que la cordillère de l’Europe moyenne et la cordillère hespérique soient un seul et même édifice, dessinant une courbure hercynienne dont l’ampleur, diminuée de la rotation de l’Espagne, n’est plus que de 900 environ.L’extension de l’orogenèse hercynienne dans le reste de l’Europe est double. D’une part, au-delà du front hercynien, dans l’avant-pays nord-atlantique, il existe un champ de failles périhercynien déterminant un système de horsts et de grabens; le fossé houiller des Midlands, en Écosse, et son prolongement en Irlande, en est le trait le plus marquant; de l’autre côté de l’Atlantique, on le retrouve à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. D’autre part, les déformations hercyniennes existent dans le socle des chaînes alpines: dans l’ensemble pyrénéo-provençal; dans toute la branche alpidique; dans la seule Afrique du Nord pour ce qui concerne la branche dinarique du système alpin. En effet, à partir de l’ensemble italo-dinarique et plus à l’est, le socle de la branche dinarique du système alpin est précambrien: l’affrontement alpin y sera celui d’une Europe hercynienne et d’une Afrique précambrienne; cette opposition est liée à l’obliquité de la Téthys alpine par rapport aux structures antérieures.L’Europe alpineL’Europe alpine résulte du cycle alpin, qui s’étend de 240 Ma à l’actuel sans être d’ailleurs encore achevé. Ce cycle est marqué en Europe par deux phases successives: l’ouverture océanique de la Téthys, du Trias au Jurassique (il s’agit d’une partie de la «Téthys de la reconquête», ouverte dans la Pangée de la fin du Paléozoïque à partir d’une «Téthys permanente», simple expansion du Pacifique), créant le «géosynclinal alpin»; l’ouverture de l’Atlantique, du Crétacé au Tertiaire, produisant, en conséquence, la fermeture de la Téthys et la formation des chaînes alpines.Deux mers vont se disputer les transgressions sur le continent européen, la Téthys et une mer Boréale , dont l’histoire va s’unifier avec l’ouverture de l’Atlantique nord.Il y aura donc, dans les chaînes comme dans les bassins, une période préatlantique et une période atlantique . En Europe méridionale, notamment dans les chaînes alpines, le tournant se situe à la limite Jurassique-Crétacé (140 Ma); en Europe septentrionale, il est plus tardif, jusqu’à être paléogène, l’Atlantique nord ne s’ouvrant dans l’Arctique qu’à ce moment (35 Ma).Les chaînes alpinesLes chaînes alpines d’Europe forment deux ensembles: l’un, principal, est lié à la collision de l’Europe et de l’Afrique ayant cicatrisé la Téthys; l’autre est l’ensemble pyrénéo-provençal.L’ensemble principal est à double déversement, avec: une branche alpidique , en marge du continent européen, déversée vers celui-ci, allant de Gibraltar à l’Asie Mineure par les cordillères Bétiques, les Alpes, l’arc carpatique et le Balkan; une branche dinarique , en marge du continent africain, déversée vers celui-ci, allant de Gibraltar à l’Asie Mineure par les chaînes d’Afrique du Nord, l’Apennin, les Dinarides et l’arc égéen. On notera que la branche dinarique est fortement repliée sur elle-même dans l’ensemble italo-dinarique , lequel est moulé sur un éperon de l’Afrique (éperon adriatique , ou apulien , du nom de la plate-forme stable de l’Italie méridionale): c’est le dessin récent de la Méditerranée qui a isolé cette partie d’Afrique au flanc sud de l’Europe.La suture ophiolitique , cicatrice de l’océan téthysien, discrète en Méditerranée occidentale, devient nette à partir de l’Italie méridionale (Calabre); de là, on la suit dans l’Apennin septentrional, les Alpes, les Dinarides, les Hellénides et l’Asie Mineure; c’est dans cette dernière partie, des Dinarides à l’Asie Mineure, qu’elle est la plus marquée.Les conditions de la collision téthysienne ont été variables. Simple collision , en général, qui se limite à la formation de nappes à matériel océanique. Hypercollision , parfois, comme dans le cas des Alpes orientales où, après la cicatrisation de la Téthys, un vaste cisaillement plat a charrié l’ensemble italo-dinarique sur la suture ophiolitique. Hypocollision , enfin, en certains points où la collision peut n’avoir pas eu lieu: il paraît en être ainsi en Méditerranée orientale jusqu’à une époque récente, ce qui explique la formation des arcs tyrrhénien et égéen, dont la subduction encore active est celle de restes de la Téthys, dont les marges n’étaient pas devenues jointives. Il semble, au moins pour l’arc égéen, que cette subduction soit sinon achevée, tout au moins au point de l’être. C’est à cette subduction toujours active qu’est lié le volcanisme de la mer Égée (îles Pôros, Milo, Santorin-Thíra, Nisiros) et de la mer Tyrrhénienne (îles Lipari, Stromboli, Vulcano).L’ensemble pyrénéo-provençal, à caractère de chaîne intracontinentale, s’est formé entre l’Europe proprement dite et l’Ibérie, qui s’est comportée comme une microplaque coulissant vers l’est le long du front nord-pyrénéen, tout en subissant un mouvement de rotation antihoraire de 350 environ vers le sud. L’ensemble de ce mouvement, amorcé à la fin du Jurassique (140 Ma) avec l’ouverture de l’Atlantique et qui se place dans le Crétacé et le Paléogène, rend compte de la coexistence de l’ouverture du golfe de Gascogne à l’ouest, tandis que se développent des structures compressives à l’est, dans les Pyrénées orientales, en Languedoc et en Provence. D’une certaine manière, ce coulissage d’ensemble a provoqué une déflexion du système alpin et accentué la courbure des Alpes occidentales.Le front nord-pyrénéen apparaît ainsi comme une faille transformante en milieu continental; celle-ci affecte d’ailleurs la totalité de la lithosphère, jusque dans la croûte inférieure, dont les éléments sont pincés le long de ce front sous forme de massifs de lherzolites (dont le type pétrographique a été précisément défini à l’étang de Lherz, dans les Pyrénées).La chaîne (Celt-)Ibérique , qui joint les Cantabriques au front des cordillères Bétiques, est de nature plus nettement intracontinentale encore. Cependant, on peut l’attribuer à un coulissage de même nature que celui du front nord-pyrénéen, quoique beaucoup moins démontré: on n’y connaît pas de lherzolite.Les mers intérieuresNées aux dépens de la chaîne alpine, les mers intérieures – Méditerranée, mer Noire, mer Caspienne (et Bassin pannonien, où le lac Balaton est le résidu d’une mer plus vaste) – comme les grandes plaines intramontagneuses (plaine du Pô, Thessalie, etc.) sont liées à un champ de failles postalpin, néotectonique, d’âge plio-quaternaire, dont les limites sont obliques par rapport à la chaîne alpine: on le voit bien en Méditerranée orientale, dont la bordure méridionale mord sur le continent africain, ou en mer Noire, dont la côte septentrionale mord en partie sur la plate-forme russe. Seule la Méditerranée occidentale est véritablement une mer intramontagneuse. C’est à ce champ de failles néotectonique qu’est liée la sismicité des pays méditerranéens.Les bassins sédimentairesLes bassins sédimentaires mésozoïques et cénozoïques, contemporains de l’histoire alpine, s’étendent largement sur l’Europe, bien au-delà du front des chaînes alpines. Ils se répartissent en deux catégories:– d’une part, les bassins sédimentaires qui correspondent à la transgression, dès le Trias (240 Ma), de la Téthys ou de la mer Boréale puis de l’Atlantique sur la plate-forme européenne (bassins de Moscou, d’Allemagne du Nord, anglo-belge, de Paris, d’Aquitaine, de l’Èbre, de Castille). Le plus souvent, ces bassins se superposent à des fossés permotriasiques (240-200 Ma) nés de l’extension qui a découpé l’édifice hercynien en marge de l’océan téthysien en formation. Le bassin pétrolier de la mer du Nord a une même origine, mais il s’y est superposé, à partir de la fin du Crétacé, de nouveaux effondrements extensifs, échos de l’ouverture océanique contemporaine de l’Atlantique nord; les curieux appareils magmatiques circulaires de l’Écosse sont liés à ces derniers mouvements;– d’autre part, les bassins liés au champ de failles de l’Europe moyenne qui, jusqu’à 300 kilomètres en avant du front alpin, découpe le substratum de la plate-forme européenne en horsts correspondant aux massifs hercyniens, et en grabens qui sont autant de bassins sédimentaires souvent étroits et allongés; ces bassins naissent à l’Éocène moyen-supérieur (vers 35 Ma), prennent leur plein développement à l’Oligocène, en liaison avec la collision principale alpine, réalisée à l’Éocène supérieur pour l’ensemble italo-dinarique et l’Europe; il n’est pas exclu qu’ils soient liés à la réaction du socle européen à cette hypercollision, à la manière dont le champ de failles de l’Asie centrale est une conséquence de l’hypercollision de l’Eurasie avec le continent indien.L’élément essentiel de ce champ de failles est l’axe Rhin-Rhône , qui recoupe l’Europe au travers de la chaîne hercynienne, au front de la chaîne alpine, jusqu’en Méditerranée occidentale (bassin algéro-provençal) où, semble-t-il, l’ouverture est allée jusqu’à dégager la croûte océanique d’âge oligocène. Mais les effets s’en ressentent à l’ouest comme à l’est: à l’ouest, dans le Massif central français, qui doit son relief à ces événements, et dans la Meseta ibérique; à l’est, jusque dans le Harz et le quadrilatère de Bohême, dont la forme, comme celle du fossé de Prague, est celle d’un réseau de failles conjuguées.À ce champ de failles est associé le volcanisme de l’Europe moyenne (Massif central français, Vogelsberg, Bohême, etc.), dont les prémices se manifestent à l’Éocène moyen, et qui est encore subactuel, comme dans la chaîne des Puys du Massif central.On voit que le cadre général de l’Europe s’est construit progressivement au fil des cycles orogéniques successifs. En laissant de côté le Précambrien, dont la paléogéographie n’est pas encore tout à fait claire, les étapes principales de ces événements sont: l’histoire paléozoïque commune à l’Amérique du Nord et à l’Europe, caractérisant une période euraméricaine, créatrice d’un continent nord-atlantique; la soudure hercynienne de l’Europe à l’Asie, créatrice de l’Eurasie; l’ouverture de la Téthys puis la ressoudure par la chaîne alpine de l’Europe et de l’Afrique, amorçant une histoire eurafricaine.Chaque chaîne est née d’une rupture océanique qui lui est propre, qui ne respecte pas les chaînes antérieures tandis qu’elle prépare la chaîne ultérieure. En cela, la construction de l’Europe constitue un modèle dans l’optique de la tectonique des plaques. L’ouverture actuelle des rifts est-africains, de la mer Rouge et de la Méditerranée orientale annonce l’indépendance du futur par rapport au système alpin, de la même manière qu’au Trias l’ouverture de la Téthys avait créé l’indépendance du système alpin par rapport au système hercynien.Carrefour des ouvertures océaniques, carrefour des orogenèses, l’Europe donne, sur une faible superficie, un exemple de tous les problèmes qui se posent à l’échelle des continents.2. PaléogéographieLa physionomie de l’Europe telle que nous la percevons aujourd’hui grâce aux multiples cartes dont nous disposons et, mieux encore, avec les images satellitaires, est l’aboutissement provisoire d’une histoire très complexe et très longue. Chaque époque géologique a laissé sa marque plus ou moins lisible. Nous sommes habitués aux contours curieusement découpés de la ligne de rivage. Or celle-ci est un trait récent, dû à la dernière avancée marine, la transgression flandrienne (il y a 10 000 ans environ), conséquence de la fonte des grandes calottes glaciaires du Quaternaire. Si le dessin des côtes est si tourmenté, c’est que la mer s’est avancée sur un continent dont les reliefs, hérités de l’orogenèse alpine à peine achevée et burinés par les glaciers, étaient très contrastés et d’une organisation compliquée. Cette complexité des reliefs et des structures, sur un espace relativement petit, explique la silhouette capricieuse et le fin découpage de l’Europe qui l’opposent aux continents massifs tels que l’Afrique ou l’Australie.La ligne de rivage, qui peut fluctuer, n’est donc pas la vraie limite du continent. Il faut aller chercher celle-ci plus ou moins loin suivant les structures et la morphologie, jusqu’au bord du plateau continental. C’est donc l’histoire de l’ensemble de cette masse continentale européenne que nous devons retracer pour comprendre le dispositif actuel, une histoire liée à celle des océans périphériques et à celle des mers pelliculaires (épicontinentales) qui se sont étalées à la surface du continent, comme aujourd’hui la mer du Nord et la Manche.Mais à partir de quel moment peut-on vraiment parler d’Europe? Le continent européen est constitué de morceaux que l’orogenèse alpine a achevé d’assembler au Tertiaire. Essayons de voir comment ces morceaux sont nés, comment ils se sont déplacés, déformés, pour s’ajuster dans leur état actuel. Nous le ferons en tentant de retrouver les géographies successives, ou tout au moins quelques étapes caractéristiques jalonnant l’évolution paléogéographique de ce qui est aujourd’hui l’Europe.La fin du PrécambrienQuand on parle de l’Europe précambrienne, on pense tout naturellement à la partie nord-est de l’Europe actuelle qui comprend le bouclier balte (où les terrains précambriens affleurent) et la plate-forme russe (où ils sont recouverts par des terrains sédimentaires plus récents). Il s’agit là du noyau de l’Europe, un craton solidement consolidé dès la fin du Précambrien (550 Ma environ) et qui n’a subi depuis que des déformations tranquilles – gauchissements ou fractures – parfois importantes certes, mais qui ne l’ont jamais remis en question. Par la suite, autour de ce noyau sont venus se plaquer en vagues successives les terrains issus des orogenèses calédonienne, hercynienne puis alpine.D’autres fragments précambriens sont connus en Europe. L’un, au nord-ouest de l’Écosse et dans les îles Hébrides, faisait à cette époque partie du continent nord-américain. Les autres sont inclus, plus ou moins malmenés, dans les adjonctions postérieures: en France, dans le massif Armoricain, le Massif central, la Montagne Noire; plus à l’est, dans le massif de Bohême, en Silésie, etc. Ne cherchons pas à préciser quelles étaient leurs relations avec le noyau nord-européen ou, au sud, avec le craton africain. Ne cherchons pas à les mettre en place et à tenter une esquisse paléogéographique. Ce serait pure fantaisie.Le cycle calédonienIl est commode de regrouper toute la première moitié de l’histoire paléozoïque (Cambrien, Ordovicien, Silurien: de 550 à 400 Ma environ) sous l’étiquette de cycle calédonien : ce cycle commence par une période de calme tectonique relatif, de transgressions marines, et s’achève par l’adjonction de la chaîne calédonienne à la masse continentale du nord de l’Europe. En fait, des déformations se sont produites de façon presque continue dans la ceinture calédonienne, mais elles furent entrecoupées de phases paroxysmales.L’Europe du Nord: continents et océansMalgré cette mobilité des continents, on parvient à retrouver certains traits de l’organisation géographique, de sorte que l’on peut esquisser un schéma pour la partie nord de l’Europe au Paléozoïque inférieur (fig. 1). Le dispositif paléogéographique s’ordonne autour du noyau précambrien (bouclier balte et plate-forme russe), qui est alors un continent solide, assez stable, définitivement aplani par l’érosion. Ce continent appartient alors à l’hémisphère Sud (le pôle est situé quelque part sur l’Afrique de l’Ouest, qu’une importante calotte glaciaire recouvre pendant l’Ordovicien). En se déplaçant globalement vers le nord, il se gauchit, fléchit sur ses bords et se trouve alors partiellement recouvert par les eaux marines qui l’envahissent à partir des réservoirs océaniques périphériques. L’une de ces avancées marines, au Silurien, marquée par le dépôt d’argilites litées noires («schistes» à Graptolites), a sans doute été accentuée par une élévation du niveau marin (transgression eustatique) consécutive à la fonte de l’inlandsis ordovicien du Sahara [cf. ÉROTISME (arts et littérature)]. Ces mers – peu profondes – sont à l’origine de formations sédimentaires parfois très étendues, dont certaines, conservées malgré les érosions ultérieures, affleurent aujourd’hui en ayant presque gardé leur disposition horizontale initiale, dans les régions baltiques et sur la périphérie du bassin de Moscou. Il s’agit de grès, d’argiles et de calcaires, parfois récifaux avec des restes d’organismes surtout benthiques (Lingules, Trilobites, Cœlentérés), mais aussi planctoniques (Graptolites).À l’ouest, un océan sépare le continent nord-européen d’un continent nord-américain. Son tracé ne respecte pas les contours géographiques actuels: il coupe en deux les îles Britanniques, Terre-Neuve et le Nouveau-Brunswick... C’est pourquoi le nom de Iapetus est, pour le désigner, préférable à celui de Proto-Atlantique , parfois utilisé. Les sédiments océaniques, d’âge ordovicien-silurien, se retrouveraient aujourd’hui serrés et déformés par la phase tectonique qui a fermé l’Iapetus dans une étroite bande reconnue dans les Southern Uplands d’Écosse, le centre de l’Irlande, et, en Amérique, à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick.À l’est, l’océan ouralien sépare le continent nord-européen du continent sibérien.L’organisation et le jeu des marges continentales de l’Iapetus, en distension d’abord (marges passives) tandis que cet océan s’ouvrait au début du cycle calédonien, en compression ensuite quand les plaques nord-américaine et nord-européenne se sont rapprochées, peuvent être déchiffrés dans les régions où les déformations ultérieures ont été modérées. Des bassins marginaux, subsidents (accumulations de plusieurs milliers de mètres) mais peu profonds (sédiments parfois de plates-formes marines carbonatées) et relativement circonscrits (comme celui du pays de Galles où ont été pris les stratotypes des systèmes du Cambrien, de l’Ordovicien et du Silurien), témoignent de l’état de dislocation de la marge. Côté amont, ils reçoivent des matériaux terrigènes à partir des surfaces émergées voisines (bloc Londres-Brabant par exemple). De l’autre côté, au pied du talus continental, se sont accumulées d’épaisses séries détritiques de type flysch, plissées ensuite et parfois totalement métamorphisées par l’orogenèse calédonienne (8 000 m de schistes ordoviciens à l’île de Man sur la marge européenne, Dalradien métamorphique des Highlands d’Écosse et d’Irlande du Nord pour la marge groenlandaise: deux flyschs nés sans doute à plusieurs centaines de kilomètres de distance et aujourd’hui serrés côte à côte).L’Europe moyenne et méridionaleLes choses sont beaucoup moins nettes pour l’Europe moyenne et méridionale, car tout y a été bousculé et métamorphisé par les orogenèses successives, calédonienne, hercynienne et alpine. Il est pratiquement impossible d’y retrouver l’arrangement qui était celui du début du Paléozoïque. En simplifiant, on peut en faire la présentation qui suit.En bordure méridionale du continent nord-européen, le « géosynclinal ardennais» se prolonge vers l’est à travers la Pologne et jusqu’en Ukraine. C’est la marge sud du continent européen avec peut-être aussi un bras «océanique» dont la largeur entre ce continent et la dorsale de l’Europe moyenne nous est inconnue. Ce bras avait-il atteint un stade vraiment océanique ou était-il resté au stade de croûte continentale amincie? Quoi qu’il en soit, c’était le réceptacle subsident des dépôts terrigènes issus des surfaces continentales ou des cordillères proches: flyschoïdes, grauwackes, quartzites, phyllades, argiles à Graptolites se sédimentent en séries puissantes.Sous le nom de dorsale de l’Europe moyenne , on regroupe des affleurements discontinus (massif Armoricain, Massif central pro parte , massif de Bohême, Massif est-silésien) qui témoignent d’aires émergées plus ou moins atteintes par les transgressions marines (transgression sur le nord-est du massif Armoricain), et de bassins fortement subsidents sur croûte continentale (3 000 m de Cambrien dans le bassin barrandien de Bohême). En bref, il s’agit d’une ossature continentale mobile.Plus au sud, c’est encore moins clair. On parle de Proto-Téthys , terme commode et vague pour désigner tout ce qui était entre l’Europe moyenne et le continent gondwanien (Afrique, Arabie...). Il y avait là des plaques continentales intermédiaires (dont les contours et les positions restent à préciser) séparées par des mers à fond océanique ou continental. La discontinuité des affleurements, la complexité des structures (chaîne cantabrique, Pyrénées, Montagne Noire, Sardaigne, Alpes carniques, régions carpato-balkaniques...) ne permettent aucune reconstitution paléogéographique sérieuse.La réalité de cette Proto-Téthys est attestée par les échanges fauniques: les Invertébrés benthiques marins se propageaient sur les plates-formes marginales entre domaine continental et domaine océanique (Trilobites, Échinodermes, Cœlentérés). Au contraire, vers l’ouest, l’Iapetus, vraisemblablement plus large et plus continu, faisait barrière.Position en latitude: les climatsLa paléogéographie d’une région ne se réduit pas à son organisation spatiale. Elle est déterminée également par sa position en latitude, premier facteur qui commande le climat. Au Paléozoïque inférieur, les fragments de la future Europe étaient situés presque entièrement, sinon entièrement, dans l’hémisphère austral. À l’Ordovicien, le pôle était sur l’Afrique de l’Ouest, où s’accumulait une importante calotte glaciaire. La zone intertropicale, attestée par les plates-formes carbonatées parfois récifales, prenait en écharpe l’actuel archipel nord-américain, incluait la Scandinavie, les pays baltes et une partie de la Sibérie.L’orogenèse calédonienneLe cycle du Paléozoïque inférieur s’est achevé avec les dernières phases de l’orogenèse calédonienne. La branche principale de la chaîne, située dans le nord-ouest de l’Europe (Alpes de Scandinavie, Highlands d’Écosse), peut s’interpréter par la collision des plaques nord-européenne et nord-américaine avec déversement et chevauchement, d’un côté sur le bouclier balte, de l’autre, dans le nord-ouest de l’Écosse, sur le bouclier américain, dont un petit lambeau est aujourd’hui accroché à l’Europe.Une seconde branche, sur le bord sud du bloc nord-européen (Ardennes, Pologne méridionale...), plus retouchée par la suite, est moins bien reconnue. Elle résulte sans doute d’un serrage des plaques de l’Europe moyenne contre la plaque nord-européenne.Quoi qu’il en soit, l’un des résultats les plus spectaculaires de l’orogenèse calédonienne a été la formation d’un bloc unique Europe du Nord-Amérique du Nord connu sous le nom de continent des Vieux Grès rouges , nom donné par les Britanniques du fait de l’existence de formations sédimentaires de ce type bien caractérisées dans leur pays (Old Red Sandstones , dévoniens, par opposition aux New Red Sandstones , permiens).Le cycle hercynienSchématiquement, le cycle hercynien du Paléozoïque supérieur est une réplique du cycle calédonien. Sa durée, de 160 millions d’années, est du même ordre (Dévonien, Carbonifère et Permien: de 400 à 240 Ma environ). Il commence par une période de transgressions, notamment sur le continent des Vieux Grès rouges, se développe avec les phases des plissements hercyniens et s’achève par la soudure des continents européen et sibérien avec la chaîne de l’Oural.Point de départL’aboutissement du cycle calédonien a donc été la formation d’un grand continent nord-américain et nord-européen, le continent des Vieux Grès rouges, qui fut par la suite émergé et soumis à l’érosion. Ces dépôts se sont accumulés dans des bassins continentaux: épandages sableux fluviatiles en milieu subaérien oxydant, argiles, calcaires lacustres. Les accumulations argilo-sableuses témoignent de l’érosion des reliefs calédoniens; leur localisation traduit l’existence de bassins subsidents sans doute d’origine distensive. Peu à peu, les reliefs calédoniens sont réduits par l’érosion, le continent des Vieux Grès rouges est relativement aplani.D’autre part, pour la première fois dans l’histoire de la planète, la surface d’un continent commence à être colonisée par les végétaux vasculaires: Rhynia, Psilophyton du Dévonien d’Écosse... Le paysage commence à s’habiller d’un couvert végétal dont le rôle dans l’altération des roches et l’érosion va devenir fondamental. En même temps, les premiers Vertébrés, en compagnie de grands Arthropodes (Eurypterus ...), se développent dans les eaux continentales sous la forme des «poissons» cuirassés (Ostracodermes, Placodermes). Le continent se peuple.Au sud, la ceinture hercynienne mobileSur la marge sud du continent, par exemple dans le sud-ouest de la Grande-Bretagne où a été défini le stratotype du Dévonien, s’entassent de grandes épaisseurs de dépôts détritiques venus du continent et issus de matériaux d’origine volcanique. Aux points où cette sédimentation compensait la subsidence, ou bien sur ceux que les déformations de la marge maintenaient en eau peu profonde, des formations calcaires, parfois récifales avec Stromatopores et Coraux (Tabulés, Rugueux), pouvaient s’installer car le climat le permettait. Cette marge se prolongeait par l’Ardenne et le Massif schisteux rhénan, où ont été définis les étages du Dévonien.Le même dispositif se reconnaît plus à l’est, en Pologne et en Ukraine. Il correspond à la future zone axiale de l’orogène varisque (hercynien) et des déformations tectoniques s’y manifestent très tôt: phases reussienne vers la fin du Dévonien moyen, et bretonne vers la limite Dévonien-Carbonifère.Au sud, comme au Paléozoïque inférieur, il est difficile d’intégrer dans un ensemble cohérent les informations, abondantes certes, mais complexes et discontinues. On retrouve, sur l’emplacement de l’Europe moyenne, une zone de croûte continentale, haute («île» franco-allemande au Dévonien inférieur), disloquée, mobile (formations volcano-sédimentaires du Morvan...), marquée par une avancée marine au cours du Dévonien et par l’installation de plates-formes carbonatées au Dévonien moyen. Plus au sud encore, s’étend le domaine téthysien [cf. TÉTHYS].Au Carbonifère: la chaîne hercynienne et les bassins houillersLe Carbonifère débute par une large transgression marine sur le continent nord-européen comme en témoignent les calcaires à Coraux, Crinoïdes et Brachiopodes des séries d’âge dinantien de l’Ardenne, de l’Irlande et de la chaîne Pennine en Grande-Bretagne. L’étalement des mers épicontinentales se maintient plus longuement sur la plate-forme russe (bassin de Moscou au Carbonifère moyen), tandis que l’orogenèse varisque bouleverse la géographie de l’Europe moyenne, bouleversement dans lequel on distingue deux épisodes majeurs: les phases sudète au début du Westphalien (Carbonifère moyen) et asturienne au début du Stéphanien (Carbonifère supérieur). Cette orogenèse, provoquée par le rapprochement des plaques continentales euraméricaine et gondwanienne, affecte toute la bordure du continent euraméricain, de l’Appalache au Caucase, et une partie du domaine téthysien (fig. 2).Une chaîne de l’Europe moyenne, plissée, granitisée et en partie métamorphisée, naît de la phase sudète. Les matériaux d’érosion s’étalent au nord sur la bordure subsidente du continent, dont les zones marécageuses sont colonisées par la végétation houillère et où pénètre à plusieurs reprises une mer pelliculaire (bassins houillers paraliques de Grande-Bretagne, de la Ruhr, du nord de la France et de Belgique, bassin de Silésie). Sur le sud de la plate-forme russe, le même phénomène, sur une bande qui s’affaisse en fossé tectonique, donne les 10 000 à 12 000 m de grès, d’argiles et de couches de houille d’une inhabituelle continuité sur des centaines de kilomètres de distance dans le bassin du Donetz.La phase asturienne exonde progressivement cette aire de sédimentation «molassique» houillère; la chaîne de l’Europe moyenne vient la chevaucher (front nord-hercynien). À l’intérieur même de cette chaîne, des fossés tectoniques piègent les produits de l’érosion et leurs bords sont colonisés par la végétation houillère (flores de marais et flores d’altitude): ce sont les bassins limniques (lacustres) intra-montagnards du Massif central, du massif Armoricain, des Vosges, de la Sarre, des Alpes, de la Saale en Allemagne méridionale...Le climat, comme l’attestent l’importance de la végétation palustre, l’absence d’anneaux de croissance saisonniers et l’extension des plates-formes carbonatées, était chaud et humide. Les données du paléomagnétisme confirment que l’Europe était alors dans la zone équatoriale.L’épisode continental du PermienLe continent euraméricain vient donc de s’agrandir de l’orogène hercynien et il se trouve soudé, par l’Afrique, au continent gondwanien. Pour toute une partie de l’Europe commence une nouvelle histoire continentale sous un climat plus sec et plus contrasté que celui du Carbonifère, peut-être tout simplement du fait de la très grande extension des surfaces émergées. Au sud-est, un domaine téthysien, en partie océanique, subsiste entre l’Europe et le Gondwana.Sur le continent nord-européen en relaxation, une fracturation s’amorce. Des bassins continentaux plus vastes que les bassins d’âge stéphanien continuent à recevoir les produits d’érosion de la chaîne (New Red Sandstones de Grande-Bretagne, Rotliegende d’Allemagne, faciès «saxonien» des bassins permiens du Massif central ou de Provence; «Permo-Trias» des Pyrénées et d’Espagne...). Une vaste aire de fléchissement s’amorce sur l’emplacement de l’actuelle mer du Nord et de l’Allemagne: c’est le bassin du Zechstein où les eaux marines pénètrent et où s’accumulent des centaines de mètres d’évaporites. Des formations évaporitiques analogues se déposent à l’est dans les bassins épicontinentaux de la plate-forme russe, encore en relation avec l’océan de l’Oural en voie de fermeture.Fin du Paléozoïque: l’Europe incluse dans la PangéeDernier épisode de l’orogenèse hercynienne, le plissement de l’Oural («phase saalienne») soude l’Asie à l’ensemble déjà constitué par la réunion du continent euraméricain et du Gondwana. Toutes les masses de croûte continentale du monde sont alors pratiquement réunies en une Pangée unique. Dans ce mégacontinent, le domaine océanique s’avance en coin depuis l’est jusque dans le futur domaine alpin d’Europe: c’est le premier élément de la Téthys mésozoïque.Le calme relatif du MésozoïqueL’histoire de l’Europe au Mésozoïque peut se décomposer en deux grands cycles de transgression-régression marines. Le premier couvre l’ensemble Trias et Jurassique (de 240 à 140 Ma environ), le second le Crétacé (de 140 à 70 Ma). Entre les deux, responsable sans doute de la régression «purbeckienne» qui les sépare, se situe le début de l’ouverture de l’Atlantique Nord.Trias: transgression épicontinentale sur un continent en voie d’aplanissementOn retrouve ici des analogies avec les événements du début du cycle hercynien. À nouveau un grand continent en grande partie émergé occupe l’Europe du Nord, mais englobe cette fois-ci l’Europe moyenne (l’Europe hercynienne). Il est en voie d’érosion et les contraintes qu’il a subies se relâchent: ainsi se créent des zones d’affaissement qui piègent les produits de l’érosion (conglomérats, grès, argiles du Permien et du Trias inférieur). Sur ces bassins continentaux, la mer s’avance plus ou moins facilement à partir du réservoir téthysien.Le plus typique à cet égard est le bassin germanique, héritier du bassin permien du Zechstein, mais encore plus étendu puisqu’en France par exemple il gagne sur le Bassin parisien. C’est dans ce bassin qu’a été défini le Trias germanique composé de trois termes: à la base, grès et conglomérats traduisent l’activité de l’érosion et l’étalement des détritiques dans des plaines fluviatiles (Buntsandstein ou Grès bigarrés); ensuite, la mer recouvre ces plaines tandis que l’érosion s’assagit (Muschelkalk: calcaires coquilliers, calcaires à Cératites, calcaires crinoïdiques...); puis, tandis que l’aire de sédimentation continue de s’étendre, les communications avec la Téthys se font plus difficiles et des faciès évaporitiques reparaissent (anhydrite, gypse et sel gemme du Keuper). Ce «Trias germanique», plus ou moins complet, se retrouve sur une grande partie de l’Europe continentale: en Espagne, en France, sur l’emplacement de la mer du Nord, en Pologne, sur une partie de la plate-forme russe...Au sud, le long de la Téthys en voie d’expansion, sur la marge continentale mobile et fracturée, se sédimente le «Trias alpin»: Ammonoïdés, accumulations volcano-sédimentaires, séries flyschoïdes, plates-formes carbonatées à constructions ou accumulations récifales (calcaires à Diplopores) et vastes lagons dolomitiques (séries des Dolomites et des nappes austro-alpines).La sédimentation épicontinentale marine du JurassiqueAu cours du Jurassique, le domaine téthysien prend de l’ampleur. Avec l’ouverture de l’Atlantique central (vers 200, vers 160 Ma) commence à apparaître la véritable Téthys (ou Mésogée), qui va former une ceinture océanique continue autour du globe, ceinture qui se situe dans la zone intertropicale et qui sépare le continent laurasien de l’hémisphère Nord, auquel appartient l’Europe, des continents de l’hémisphère Sud issus du Gondwana qui se disloque.À partir de cette Mésogée chaude, les mers épicontinentales s’avancent, au-delà des limites atteintes par les mers du Trias, sur un continent très aplani qui ne produit guère que des sédiments détritiques fins (fig. 3). Ces mers épicontinentales, dans lesquelles s’épanouissent les Ammonites, sont ouvertes sur l’Océan. Le climat est chaud pour toute l’Europe moyenne, mais non évaporitique comme au Trias, peut-être par suite d’un adoucissement dû à la grande extension des mers. Cette extension est à relier au développement des formations carbonatées (calcaires oolitiques, calcaires crinoïdiques, calcaires bioclastiques, constructions coraliennes...).Sur la marge téthysienne, alpine, en distension, s’organise un système complexe de sillons et de crêtes, sous-marines ou émergées. Ce dispositif produit une juxtaposition de plates-formes subsidentes (calcaires récifaux) et de bassins pélagiques où les dépôts étaient parfois réduits (Ammonitico rosso , radiolarites...).Au Crétacé: répercussions de l’ouverture de l’Atlantique NordÀ la fin du Jurassique et au début du Crétacé, l’Atlantique Nord, avec sa digitation du golfe de Gascogne, commence à s’ouvrir par une phase de «rifting» qui s’accompagne de déformations, d’un léger soulèvement de l’Europe occidentale (régression «purbeckienne»), de fracturation et d’une recrudescence d’érosion (bassins continentaux «wealdiens» de Grande-Bretagne, du Hanovre, d’Espagne, bassins de Parentis et de l’Adour). Cette ouverture s’est faite suivant un tracé différent de celle de l’Iapetus, de telle sorte que, par exemple, le nord-ouest de l’Écosse, ancien fragment du continent nord-américain, est aujourd’hui accolé à l’Europe.Au Crétacé inférieur, la mer regagne sur les terres perdues à la fin du Jurassique, mais selon une géographie différente; cette transgression connaît une recrudescence au Crétacé moyen pour atteindre son maximum pendant le Crétacé supérieur. Sur les marges déjà anciennes, celles de la Téthys, et sur les marges récentes de l’Atlantique en fléchissement se développent d’importantes plates-formes carbonatées (formations urgoniennes à Requienidés du Crétacé inférieur; récifs à Hippurites et radiolarites du Crétacé supérieur, en Espagne, France méridionale, Italie, Hongrie, Bulgarie...).Cette sédimentation carbonatée a souvent été compensée par des apports terrigènes provenant de l’érosion du continent déformé, puis par l’affaissement des marges dû à l’expansion des fonds océaniques téthysiens et atlantiques. Ce phénomène est à l’origine des puissantes séries de flysch souvent accompagnées de volcanisme au pied de ces marges (flyschs pyrénéo-cantabriques, futurs schistes lustrés et flysch à helminthoïdes des Alpes occidentales, flyschs carpato-balkaniques...).Plus au nord, sous un climat moins chaud, dans les mers épicontinentales largement étalées se sont déposées les craies et les marnes crayeuses bien caractéristiques du bassin anglo-parisien et d’Allemagne, que l’on retrouve jusque sur la plate-forme russe.À la fin du Crétacé, l’Europe est affectée par un phénomène mondial: une importante régression marine qui a servi à définir la limite entre le Mésozoïque et le Cénozoïque.L’orogenèse alpine et ses répercussionsLes chaînes alpinesLa naissance des chaînes alpines, conséquence du rapprochement de l’Afrique et de l’Arabie avec l’Eurasie, domine l’histoire européenne à l’ère tertiaire. L’Afrique, bloquée dans son mouvement de translation vers l’est qui durait depuis l’ouverture de l’Atlantique central au Jurassique, effectue une rotation autour d’un pôle situé vers la pointe sud de l’Espagne. Le plancher océanique téthysien s’en trouve en partie résorbé par subduction; les microplaques comprises entre l’Europe et l’Afrique entrent en collision. Ainsi, suivant des lignes de contact capricieuses, les systèmes montagneux alpins se structurent et s’élèvent, en plusieurs étapes inégalement réparties dans l’espace et dans le temps (les Carpates sont pratiquement achevées tandis que commence tout juste l’orogenèse de l’Apennin).Le premier acte, encore modéré, de ce scénario se place à la fin du Crétacé (phase laramienne) mais, dans les Alpes occidentales, le paroxysme de plissement des zones internes, avec charriages et métamorphisme, a lieu à l’Oligocène. Aussitôt, les premiers produits d’érosion de la nouvelle chaîne commencent à s’accumuler, en milieu continental ou marin, dans un long sillon subsident (le sillon molassique) qui court au pied de la chaîne, de la basse vallée du Rhône à la mer Noire et qui, bien qu’émergé aujourd’hui, se reconnaît encore dans la topographie.L’avant-paysAu nord, l’avant-pays, soulevé et émergé dans son ensemble depuis la fin du Crétacé, de même que l’Ibérie, est soumis à l’altération sous un climat à dominante chaude et humide avec un couvert végétal corrosif dans lequel abondent les palmiers et où s’installent les premières faunes de Mammifères. C’est ainsi que naît la nouvelle surface d’érosion paléogène. Elle est polygénique, moins bien finie que la surface post-hercynienne et elle a conservé des lambeaux de ses produits d’altération et de remaniement: argiles à silex, minerais de fer sidérolitiques, silicifications...Des parties sont restées subsidentes: des lacs s’y installent ainsi que des golfes marins aux rivages fluctuants et parfois indécis avec mangrove, lagunes saumâtres... C’est le cas de la mer du Nord, dont les avancées hésitantes et répétées sur le bassin anglo-franco-belge et sur l’Allemagne sont à l’origine des étages classiques du Paléogène.Dès l’Éocène supérieur et surtout pendant l’Oligocène, la plaque européenne se lézarde sous l’effet des contraintes auxquelles elle se trouve soumise. Des fragments glissent les uns contre les autres le long de failles transformantes; un volcanisme se manifeste et des fossés tectoniques s’ouvrent et s’affaissent en piégeant plusieurs centaines de mètres de sédiments fluviatiles, lacustres, évaporitiques et parfois marins. C’est le cas du système ouest-européen qui zigzague de la mer du Nord à la Méditerranée. Alors que sa partie nord s’est stabilisée au stade de rift (fossés du Rhin, de la Bresse, des Limagnes), sa partie sud est au contraire à l’origine de la séparation du bloc corso-sarde d’avec l’Espagne et de la formation de la Méditerranée occidentale.La ParatéthysAu Néogène, la mer est en retrait sur l’Europe occidentale et septentrionale stable. À cette époque, sur l’Europe centrale et orientale, de Vienne à la mer d’Aral, la Paratéthys s’organise au contact de la ceinture alpine mouvante.Le domaine paratéthysien est vaste, subsident de façon inégale, et plus ou moins isolé de ce qu’il reste plus au sud de la Téthys par les édifices alpins. Il est marin d’abord puis lagunaire. La mer Noire et la mer Caspienne en représentent aujourd’hui les restes.Les «finitions» du QuaternaireLa marque des glaciationsTrès court (3 millions d’années), mais proche de nous et ayant retouché les surfaces continentales que nous voyons aujourd’hui, le Quaternaire a marqué d’une empreinte encore fraîche le paysage européen par ses glaciations et ses alternances climatiques (fig. 4).Les calottes glaciaires, qui ont occupé à plusieurs reprises le nord de l’Europe, ont eu des effets spectaculaires: décapage de la couverture d’altération sur la zone englacée et accumulation à la périphérie d’un complexe de bourrelets morainiques et de plaines d’épandage fluviatile; creusements des lacs finlandais et des fjords de Norvège ou d’Écosse; cours d’eau contraints de s’écouler parallèlement au front glaciaire en Pologne ou en Allemagne; abaissement du niveau marin et creusement consécutif des basses vallées des fleuves, noyées ensuite par la remontée de la mer (rias, calanques, estuaires...).D’autres calottes glaciaires se sont installées sur la montagne alpine et sur les reliefs hercyniens récemment exhaussés comme le Massif central français.Ailleurs, les climats périglaciaires sont responsables d’une infinité de détails du modelé. La fragmentation par le gel est à l’origine de la majeure partie des graviers étalés par les cours d’eau, dans leurs terrasses et leurs plaines alluviales, en plusieurs phases de remblaiement et de creusement liées aux alternances climatiques. Une couverture de lœss s’est accumulée de la Russie méridionale à la France sur une végétation de steppe.La néotectoniqueL’Europe paraît stable. Pourtant rien n’est acquis! Elle continue à s’éloigner de l’Amérique (2,5 cm par an), avec les tensions internes et les déformations que cela occasionne. Elle continuera sans doute à le faire jusqu’à ce que la croûte océanique entre en subduction le long de la marge continentale (dans 30 millions d’années peut-être).Le bouclier balte, allégé de ses glaces, se soulève lentement et tend à rejeter les eaux de la mer Baltique. Inversement, dans les dépendances subsidentes de la mer du Nord, la côte hollandaise s’affaisse...Mais c’est au sud que les choses sont le plus manifestes. La montée des Alpes, favorisée de plus par la fonte des glaces, compense ou dépasse les effets de l’érosion.En Méditerranée occidentale, l’ouverture du bassin algéro-provençal, sinon sa subsidence (8 ou 9 km depuis son origine), semble stabilisée. En revanche, en Méditerranée orientale, le plancher océanique continuerait à s’enfoncer sous la croûte continentale: marges actives avec volcanisme de l’arc égéen et de l’arc siculo-calabrais.L’action humaineAu Néolithique, lorsqu’il a commencé à défricher pour cultiver, l’homme est devenu un agent géologique: l’érosion des sols, désormais accentuée, est à l’origine d’une part importante des limons des plaines alluviales actuelles ou du colmatage d’estuaires comme les rias du nord de l’Espagne.En plus du changement du paysage, accéléré par l’urbanisation, des modifications du régime des cours d’eau avec leurs conséquences sur l’érosion, on notera aujourd’hui l’influence de l’homme jusque sur le dessin de la carte de l’Europe: le gain des polders sur les côtes hollandaises, les grands lacs de barrage comme ceux qui ont complètement renouvelé le tracé de la Volga... Et demain, comment l’action de l’homme se combinerat-elle avec les variations eustatiques de niveau marin, la néotectonique, les fluctuations du climat?
Encyclopédie Universelle. 2012.